mercredi 25 avril 2018

Tour de Provence - étape 2

En ce dimanche matin encore endormi, nous délaissons ce cadre reposant et bucolique. Une longue ascension s'étend devant nous sur une bonne quinzaine de km. Les sommets enneigés se réflètent sur le lac aux eaux turquoises. De sévères pourcentages se chargent de réveiller les derniers muscles raidis par la bambée de la veille. Les bas-côtés s'épaississent de neige, si bien qu'au sommet du col de saint Barnabé apparaissent des traces de skieurs, altitude 1400m.

J'avais rêvé de photo de route blanchie, le voyage l'a fait . La descente dans la vallée suivante abaisse violemment une température déjà suffisamment basse. Nous entrons dans une glacière géante, le thermomètre frôle le zéro. Nous portons l'intégralité de nos affaires et je bénis Sylvain qui transporte sa maison sur son dos et qui m'offre des gants salvateurs. A cet instant du périple, notre instinct de survie est en alerte, un seul objectif: s'extirper au plus vite de là. Nous changeons de parcours, et cherchons un PMU que nous ne trouverons jamais dans ce désert humain. 20km sans croiser une seule voiture. L'escalade du col de Bleine nous sort de ce calvaire et Gréoulière nous offre l'hospitalité. Nous assistons alors à une scène de théâtre provençal sur la place au platane.  3 personnes attablées en cette heure d'apéritif que viendront grossir l'artisan, le vieux et son chien, la dame tirée aux quatre épingles. Tout le monde se connait dans ce patelin.

La panse pleine de lasagne  et nous nous élevons vers le célèbre col de Vence au milieu d'un décor minéral. Les cailloux s'étalent à perte de vue. Changement de paysage, les fragances nous parviennent à mesure que Grasse se rapproche. Sylvain est terrassé par la fringale et la fatigue. Nous grimpons sur un plateau sauvage, chèvreries et bergeries abandonnées veillaient jadis sur ces pâturages. 1200m d'altitude si proche de la mer. Cette étape montagnarde de 6 cols se termine comme il se doit avec bière et noix de cajou en terrasse. Le rue principale de Grasse remplit toutes nos attentes en architecture azuréenne, allée de palmiers et façades méditerranéennes aux couleurs chaudes.

La nuit est bienvenue.










dimanche 22 avril 2018

Tour de Provence , Aix-Castellane


Ce tour de Provence s'appelait  à l'origine projet -Thou-the-sea #2. Un aller sans retour jusqu'à la mer, enfin à l'océan. Les aléas pratiques ont redirigé l'aventure vers Cassis. Les aléas organisationnels ont recentré le débat sur la Provence. C'est donc une étude de tous les soirs, avachis à terre sur les fameuses courbes de la carte Michelin. Je citerai le futur grand de l'écriture , Jean-Acier Danès :

 " On se voûte au dessus d'elle (la carte), les articulations écrasées contre la dureté du sol. A genoux face au support des mondes, on plonge dans les courbes topologiques, les noms fantaisistes et les promesses de domaines où nous ne serons que des passants. "

Des heures ainsi à coller des post-it, à tracer, calculer, affiner la ligne, la vraie, celle qui nous guidera, celle qui nous ressemble. Se mélangent les points sublimes, les cols, les villages, les lignes de crêtes, les lacets, les gorges, et les étapes. Un savant cocktail qui ne manquera toutefois de surprise et d'enchantement.

Les premiers km indiquent clairement que la performance ne sera pas invitée à l'aventure. 7-8kg de bagage sous la selle pour moi et un bon 10kg sur le dos de Sylvain.  Bien oui, une belle aventure se partage, encore mieux si les envies sont les mêmes. 

Ce troupeau de moutons qui avance paisiblement sur la route du col des portes sous la Sainte Victoire apparait comme un préambule à ce que nous réserve la Provence. De même que cette voiture remplie de Bonne Soeur aux allures de 7e compagnie. Le décor est planté. Cabane en ruine, champs de caillasse, forêt de chêne liège jalonnent les bords de notre ligne. Au loin, les sommets enneigés, ce seront notre boussole. Nous traversons les villages dans la bonne humeur, longtemps bercés par cette interrogation : "Tu crois que c'est ici que l'on fabrique les fromages blancs ? " en parlant de Rians. Nous n'aurons jamais notre réponse. 

Nous étions venus aussi pour rechercher cette belle place du village cernée de platanes, de troquets et de Marius, César et Fanny. Rien d'original car c'est comme ça partout. Le ventre rempli, nous nous élevons sur le lac de Sainte-Croix. D'ordinaire frénétique, c'est dans la quiétude que nous le longeons. De rares bateaux naviguent les gorges du Verdon.  Le pays de la verticalité se dresse devant nous, des semblants d'Edlinger gravissent les parois tandis qu'en bas, la rivière serpentent, si petite. 

Une rencontre si brève mais si marquante se produit: 
" - Bonjour, ca va ?
- oui
- Vous allez où ? 
- Australia (avec un  accent étranger).
- good luck ! "

Evidemment avec d'aussi grosses sacoches et un panneau Alaska-Argentina 13-14-15, il ne pouvait en être autant. Cette rencontre coupa court à nos futures protestations, douleurs, fatigue. Ne nous plaignons pas. Au dessus de nos têtes volent des dizaines de faucons, avares en effort, si majestueux. 
Castellane siffle la fin de notre  premier jour. 140km en 6h30, couscous et bières belges , mariage incongru mais si réconfortant, auquel on rajoutera la gentillesse de Pascale et son mari, nos hôtes du jour.














samedi 21 avril 2018

Escalade en Calanques - jour 3

En cette journée perturbée par la météo, il nous a fallu jongler avec les éléments. La marche d'approche nous conduit sur les hauteurs de la calanque de Sugiton, sous les yeux du cap Morgiou allongé tel un dragon. Un petit peu de jardinage puis l'itinéraire se hisse dans le raide vallon du Candellon. L'arête des marseillais se dresse devant nous, la classique rendue célèbre par Gaston Rebuffat. Encore une fois, brouillard, vent, altitude et pluie peignent un tableau plutôt inquiétant.




La 1ère longueur s'achève sur l'aiguille. C'est à moi que revient l'honneur d'inaugurer le pas Rebuffat, enjamber 10m de vide pour rejoindre l'arête. Simple, oui , mais aérien, très aérien. Mes jambes flagellent. Plusieurs amples respirations me délivrent de ce faux pas. Grosse séquence émotion! L'escalade se libère. On suit le fil de l'arête somptueuse. Chaque relais offre une vue immanquable sur les calanques qui rétrécissent au fur et à mesure. Chaque relais offre une pause méditative et contemplative. On est là, le vent dans les cheveux et des scintillements dans les yeux. La compagnie est enjouée. Encore des instants magiques  à conserver dans le coffret à souvenir

"- Il me reste 4 dégaines , c'est grave ? demandai-je presque innocemment
- Oui un peu Elie n'en a que 9 pour grimper et pour le relais .
- Oups , merde..."

Elie a aussi droit à sa séquence suspens à la recherche du relais avec un petit déficit en matériel. La plateforme du sommet est réconfortante, un ouf de soulagement se fait entendre. C'était sans compter ce dernier ressaut que l'on contournera par le sud, surplombant les 100m de vie de la face de la grande Candelle. Le rappel terminal n'est qu'une formalité et ma technique s'améliore un peu. Elie manque de m'assommer en faisant chuter son descendeur. Je m'empresse de diffuser le générique de James Bond pour accompagner la descente d'Olivier. Nous avons suivi les traces de Gaston Rebuffat, cela me vaudra bien une lecture de ses récits alpins.

Merci à mes compagnons de cordées Elie et Olivier,
et à Face Sud pour l'organisation de ce stage. Je reviendrais très certainement.

vendredi 20 avril 2018

Escalade en Calanques - jour 2

La météo incertaine nous pousse au fond des calanques via les Goudes et Callelongue. Une route du bout du monde débouche sur quelques cabanons et un port balayé par les vents. Nous remontons en direction du Rocher de Saint Michel d'eau douce. Un magnifique cirque qui s'ouvre sur la mer. La falaise sombre, massive et verticale impose l'atmosphère, bien aidée en ça par les masses de nuages qui barrent le ciel.

Aujourd'hui, il faudra gérer la grimpe, les techniques de corde, le vide et ses émotions. Olivier se préoccupe vraiment de ses ouailles. Ses gestes et ses paroles sont rassurants. Il entame l'aventure pour une longueur qui ne sera même pas un échauffement pour lui. D'ailleurs, les chaussons resteront dans le sac. La 2ème longueur est gravie par Elie sans peur. La 3e sera source d'émotion sur une petite traversée. Le vide sous nos pieds ne fera qu'en rajouter. Ainsi va l'apprentissage de la grande voie. Au dessus de nos têtes résonnent les cris stridents de ce couple de faucon crécerelle. Sans le savoir, nous venons d'enjamber leur nid. Cette voie sera d'ailleurs fermée dès notre retour par la police de l'environnement. La dernière longueur propose deux passages plus physiques. Je suis rassuré en m'asseyant sur la terrasse sommitale. L'atmosphère se détend, la météo se radoucit. La tension mentale s'évapore avec les nuages. Me voila les deux pieds sur terre.

Le temps s'était arrêté, il déroule à nouveau son fil, en même temps que je m'autorise enfin à souffler. De longues minutes s'égrainent alors que je m'imprègne du panorama. Les couleurs, les reliefs, les odeurs et les souffles se gravent sur un marbre que je ne manquerais pas de ressortir pour me dire combien c'était fantastique.

Une bonne descente dans les pierriers nous mènera à la grotte de l'ermite où Adam Ondra répéta le 9a de "Roby in the sky", rien que ça ! Olivier nous entraine dans une dernière longueur pour nous enseigner l'art du rappel, art que je ne maîtrise pas encore à la perfection.

Cette journée s'achève au port de Callelongue où les barques sont battues par les bourrasques d'un vent que rien ne peut arrêter. Tout nous a rappelé que nous n'étions que 3 grains de sable posés par là.









jeudi 19 avril 2018

Escalade en Calanques - jour 1

Après des mois de doute sur la réalistion du stage, m'y voila, garé à Mazargue en avance, signe d'une excitation/motivation intense. Première rencontre avec Olivier guide ardéchois et Elie, compère de cordée. L'obélisque du rond-point marseillais sonne comme un lieu de rassemblement des grimpeurs, un première aiguille à gravir.

On se dirige vers la route de Sormiou pour un échauffement sur une falaise, pour tester les troupes et leurs connaissances. Je découvre peu à peu le personnage qui tiendra nos vies dans ses mains pendant 3 jours. Un guide qui colle parfaitement avec le décor, tant ses yeux bleus se confondent avec la mer. Un guide dont la simplicité et la gentillesse me marqueront longtemps. Pas de faux-semblants par ici.

Pause repas, serions-nous prêts ou murs pour attaquer la grande voie ? Il semblerait que oui. Malgré quelques péripéties autostopiales, nous serpentons les lacets jusqu'aux cabanons de Sormiou. L'humeur est déjà au sommet, nous remontons le vallon en direction du dièdre de Guem, piste de lancement idéale pour novices. Quelques cordes fixes rassurent notre descente sur ce versant abrupt. Le vent trace des sillons d'écume si loin en bas. Nous révisons , apprenons les manip de corde une dernière fois. Ça y est , nous nous élevons en grande voie au son des cliquetis de quincaillerie pendue à notre baudrier. Rien de bien compliqué mais au sommet, un sentiment incroyable, juste pour le plaisir d'être là, ici et maintenant.  Découvrir le monde d'en haut, en faucon pélerin.

Le retour sur la terre ferme s'accompagne de cette dernière manoeuvre : le lovage de corde, art ultime du bon grimpeur et source intarissable de jeux de mots inspirés. C'est au son de "love is all you need" que se termine cette belle journée. On remonte le sentier au gré des discussions éclairées d'Elie jusqu'au col de Sormiou. Nous formons une cordée légère et bienveillante. See you tomorrow.

Escalade en Calanques- préambule

Des années à écumer les livres d'alpinisme et leur lot de galères, voila que je me lance enfin dans l'aventure aérienne. Les sommets, je connais, ski de rando, vélo et trail sont passés par là. Mais la voie la plus directe , la face verticale en escalade reste un mystère.

J'ai enfilé mon pantalon de Bonatti, mon jacquard de Rebuffat et mon baudrier de Messner en septembre 2017. Pour l'instant mon attirance pour les sommets est bloquée par le plafond de la salle d'escalade. 12m sous mes pieds sonnent un peu léger. Il est grand temps d'affronter les nuages.

Quelques ascensions en falaise ne prétendent pas faire de moi un grimpeur.
Quelques tutoriels sur le net ne feront pas de moi un as de la corde et du noeud non plus.

Il est grand temps d'élargir son horizon. C'est ainsi qu'au gré des recherches je suis tombé sur ce stage en grande voie dans les Calanques avec Face Sud et son guide Olivier.